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La revue Mars-Avril 2025
05 / 05 / 2025
Agathe Gallo

<h3> Le Musée Sainte-Croix au coeur des questions de genre depuis plus de 50 ans. </h3>
On pense évidemment à la première rétrospective de Camille Claudel, en 1984, qui sortait enfin de l’oubli cette grande artiste. Date à laquelle, le Musée Sainte-Croix prendra une direction inédite à l’échelle des musées de France et ouvrira ses portes aux artistes femmes. Les poitevins se rappellent encore de l’année 2016 et de son exposition « Belles de jour : femmes artistes, femmes modèles » qui retraçait l’histoire de la représentation des femmes entre 1860 et 1930.
Suffisamment de souvenirs pour souligner ce travail de valorisation et de lutte contre l’invisibilisation des femmes dans l’art. Le 5 décembre 2024 restera gravé dans les mémoires des habitants de Poitiers avec le lancement de l’exposition « La Musée : Une collection d’artistes femmes » qui présente 523 oeuvres, du XVIIème siècle à nos jours, collectées par Eugénie Dubreuil, artiste, enseignante et docteure en histoire de l’art qui dit : « Ce n’est pas une mode (la présence croissante des artistes femmes sur le marché de l’art), c’est simplement une réparation normale, une prise de conscience normale ». Manon Lecaplain, directrice des Musées de Poitiers depuis juillet 2023, développe un projet de direction autour de l’inclusion pour toutes et tous. Cette exposition marque la première étape d’un projet d’envergure de valorisation des artistes femmes sur 5 ans. Cette exposition « La Musée » fait du bruit mais elle ne se limite pas à une exposition temporaire. Le travail du Musée Sainte-Croix autour de ces femmes artistes est marqué par une volonté d’approfondir le sujet et surtout de mieux comprendre les raisons de ces invisibilisations. « Le discours que nous avons construit à partir de ce don, de cette collection, est centré sur la marginalisation des artistes femmes.
Pourquoi ont-elles été marginalisées ? Nous ne nous contentons pas de les exposer, nous mettons en lumière toute une série de biais stéréotypés afin de mieux les déconstruire ». Camille Belvèze, chargée des collections beaux-arts et arts décoratifs aux Musées de Poitiers, nous explique que le fil conducteur de l’exposition est incarné par un grand mur intitulé « Une autre histoire de l’art », qui présente une sélection chronologique de 70 oeuvres de la collection de La Musée et qui propose « une expérience assez radicale d’une histoire de l’art sans hommes (…) pour interroger le fait que, pendant longtemps, nous avons écrit une histoire de l’art sans femmes, et cela n’étonnait personne. Alors pourquoi le contraire devrait-il choquer ? » La suite de ce travail de recherche se fera en étroite collaboration avec l’Université avec des temps d’échanges et de rencontres avec une préfiguration les 14 et 15 mars prochain.
Filmer le Travail, quand le combat d’hier est aussi celui d’aujourd’hui
Côté cinéma, en 2020, le festival Filmer le travail, qui existe depuis 2009, marquait aussi les esprits avec une 11ème édition dont le fil rouge était les femmes au travail et l’égalité femmes-hommes. Une édition qui a marqué un tournant notamment avec un public, plus nombreux et plus jeune. La programmation de Filmer le travail s’attache, toute l’année et au-delà des dix jours de festival, à dépoussiérer et rendre visible les oeuvres cinématographiques de cinéastes femmes. Un travail que Maïté Peltier, directrice artistique, souligne comme étant plus coûteux en temps : « Il faut redoubler d’efforts, revisiter les catalogues, faire de la veille ». Mais il se fait avec détermination et engagement : « Ce sont des choix, des choix artistiques, politiques que l’on fait ».
Encore une fois, pour cette édition 2025, la vigilance était de mise pour assurer la parité dans la programmation du festival : « Sur 65 événements programmés sur ces dix jours, on a à peu près 60 femmes présentes ou représentées comme cinéastes, actrices, autrices, chorégraphes (...). » Un choix politique de programmation qui s’inscrit dans un combat essentiel, une lutte qui, d’autant plus dans le secteur du cinéma, ne doit pas s’arrêter. Maïté Peltier conclura notre entretien par : « C’est vrai que s’intéresser à l’histoire, replacer les combats d’aujourd’hui dans ceux d’hier, comprendre que ce que l’on fait aujourd’hui s’inscrit dans une continuité. C’est important de redécouvrir des oeuvres, de réaliser que des choses ont déjà été menées, qu’il y a encore une lutte à poursuivre. Passer par le cinéma, la vidéo, les oeuvres, c’est aussi une manière de se donner du courage, de réfléchir collectivement et d’alimenter les réflexions et les combats actuels ».
Poitiers, ville ressource.
Un discours partagé, que ce soit par Maïté Peltier ou Manon Lecaplain : la force du territoire. Poitiers, une ville de la sororité où la création du réseau « Poitiers se mobilise », initié par la Ville et activé notamment par Séverine Vacher, favorise la rencontre et l’échange entre programmateurs et programmatrices pour des programmations et des diffusions plus paritaires.
Une volonté commune d’aller plus loin, de faire mieux et toujours plus collectivement.