ActualitésDe la nécessité de lier arts, territoires et citoyens

De la nécessité de lier arts, territoires et citoyens

27 / 05 / 2022

Agathe Gallo

Chantier Public est un lieu de création pluriel implanté du côté de Poitiers depuis 2017. Soucieuse de réduire les fractures territoriales entre le « centre » et ses périphéries, les équipes du projet s’activent pour revaloriser des espaces parfois abandonnés, tout en offrant à des artistes un terrain d’expression privilégié. Par ailleurs convaincues du rôle politique de l’art, Virginie Lyobart (fondatrice et présidente) ainsi que Louisa Degommier (coordinatrice du projet) expliquent la démarche derrière Chantier Public à travers un entretien réalisé dans le cadre de cet article.

Chantier Public est un lieu de création pluriel implanté du côté de Poitiers depuis 2017. Soucieuse de réduire les fractures territoriales entre le « centre » et ses périphéries, les équipes du projet s’activent pour revaloriser des espaces parfois abandonnés, tout en offrant à des artistes un terrain d’expression privilégié. Par ailleurs convaincues du rôle politique de l’art, Virginie Lyobart (fondatrice et présidente) ainsi que Louisa Degommier (coordinatrice du projet) expliquent la démarche derrière Chantier Public à travers un entretien réalisé dans le cadre de cet article.

Chantier Public est un lieu de création pluriel implanté du côté de Poitiers depuis 2017. Soucieuse de réduire les fractures territoriales entre le « centre » et ses périphéries, les équipes du projet s’activent pour revaloriser des espaces parfois abandonnés, tout en offrant à des artistes un terrain d’expression privilégié. Par ailleurs convaincues du rôle politique de l’art, Virginie Lyobart (fondatrice et présidente) ainsi que Louisa Degommier (coordinatrice du projet) expliquent la démarche derrière Chantier Public à travers un entretien réalisé dans le cadre de cet article.

Centre d’art de proximité engagé

« Centre d’art de proximité » comme le décrivent Virginie Lyobart (présidente) et Louisa Degommier (coordinatrice), Chantier Public c’est aussi 400m2 dans lesquels on retrouve un centre d’art, un atelier d’artiste, trois appartements, un studio qui accueille les artistes invités et un grand jardin. Des espaces de vie, où les uns et les autres peuvent circuler librement, avec des espaces partagés, où rien n’est figé, où tout est toujours mouvant selon les artistes, les espaces et les projets. Lieu d’expérimentation d’art visuel, d’hybridation des pratiques, toujours en quête de renouveau et attentif aux publics, aux artistes et à son territoires, Chantier Public développe des projets culturels mêlant productions et réflexions artistiques. Il porte également une attention particulière à l’ouverture de ses propositions aux citoyens par des formes collectives et participatives autour du territoire de Poitiers et ses alentours. L’objectif principal de Chantier Public est de défendre et accompagner des créateurs et créatrices émergents, de partager une vision politique et engagée sur le rôle de l’art dans la société. Comme un work in progress permanent – Chantier Public ne cesse de chercher, de tester, de pratiquer, d’expérimenter. L’une des caractéristiques de ce lieu, c’est cette soif de faire, encore et encore, se chercher pour mieux savoir ce qui est à défendre et pourquoi. Depuis 2017, on compte près de 18 expositions, 17 projets d’interactions, 1300 participants aux projets et près de 5000 visiteurs. Créer du lien avec le public, avec les habitants du quartier, mais pas seulement. À travers différents projets Chantier Public mène également un travail de valorisation des territoires oubliés, des zones isolées et des quartiers dévalués. Une mise en avant qui se fait en s’appuyant sur les spécificités de ces endroits, en leur donnant une nouvelle existence, par le biais de divers projets artistiques impliquant les habitants. Par exemple, au cours de l’été 2020, Chantier Public, part à la rencontre des habitants du sud de la Vienne pour découvrir les coins de paradis cachés à l’intérieur même de leurs villages. Au Vigeant, à L'Isle Jourdain, à Lathus, Lussac les Châteaux, Montmorillon, Moussac et Verrières : près de 200 personnes ont livré les lieux qui leur sont chers. Une belle façon pour chacun d’ouvrir les yeux sur ce qu’il y a de beau près de chez soi.

Intérêt pour les zones éloignées

S’intéresser aux périphéries, aux zones éloignées des centres villes, c’est une dimension essentielle à la démarche de Chantier Public, qui se manifeste par des invitations auprès d’artistes dont les pratiques artistiques s’en rapprochent également.

On peut citer notamment Lou-Andréa Lassalle, venue pour différentes résidences, expositions et projets d’interactions, comme Le désert de Solenn San, en inauguration du lieu en mai 2017, Caylus Culture Club, en 2018 et Outilthèque en septembre 2020. Cette artiste mène un travail artistique autour de personnages fictifs inspirés de sa famille. Depuis 2012, elle investit et retourne dans son village natal, à Caylus dans le Tarn-et-Garonne avec pour but d’interroger l’endroit dans lequel elle a grandi. De là, naît le projet « Caylus Culture Club » au sein duquel, elle décide d’inventer de toutes pièces une culture locale, par le biais d’éléments plastiques, chorégraphiques, ou encore musicaux. Un travail qui s’interroge essentiellement sur les questions d’identité, d’appartenance, d’origine, de tradition et de territoire. Ce parti-pris de développer des projets artistiques en milieu rural, Lou Andréa Lassalle l’explique assez simplement : « Je viens d’un milieu rural, d’un tout petit village, où il y a très peu d’offre culturelle. J’allais très peu au musée, les seules fois où des artistes sont intervenus à l’école, je m’en rappelle encore. C’est quelque chose qui m’a énormément touché, je pourrais même dire que ça a changé ma vie. Je suis entrée aux Beaux-arts et je me suis vite rendu compte qu’on était très peu à venir d’un milieu modeste. Et pour moi, c’était important de partager mon travail, pas seulement avec un public déjà abreuvé de ce milieu de l’art, mais plutôt d’aller partager mon travail avec des gens qui se disent que la culture et l’art ce n’est pas pour eux. C’est aussi important pour moi, de faire un travail que ma famille comprend. À chaque fois que je vais faire un travail auprès d’un public, je sais qu’il y a au moins un ou deux éléments qui vont les toucher et grâce auxquels on va pouvoir commencer à discuter. C’est pour ça que j’utilise beaucoup de codes assez classiques. ». Dans cette même veine, Lou-Andréa Lassalle a construit l’un des 11 refuges périurbains de Bordeaux imaginé par l’association Bruit du Frigo, en collaboration avec Zébra3 et Bordeaux Métropole.

(c) Chantier Public

Julien Michaud alias Mauju, photographe documentaire poitevin, dont les recherches portent sur la documentation sensible des zones habitées, est également l’un des artistes dont le travail se rapproche des valeurs défendues par Chantier Public.

En lien d’abord avec la Fanzinothèque de Poitiers, un premier projet a été entrepris ; VOUS, au Quartier des Couronneries, en plusieurs phases. Un travail qui s’est poursuivi en collaboration avec Chantier Public pour son deuxième volet. Par la suite, le photographe a initié des rencontres avec des habitants, commerçants, passants ou encore associations du quartier, qui feront l’objet d’une série de portraits sensibles. Micro-éditions, impressions de grands formats collées sur les façades de la Résidence Habitat Jeunes Kennedy, et exposition dans l’espace du centre d’art de Chantier Public : VOUS 2 plaçait la diversité des formats au cœur de son projet.

C’est en 2018, que s’est déployé le troisième opus de ce travail, sous forme de résidence d’habitation menée avec la résidence de Bretagne qui abrite 191 logements. En pleine rénovation, les commerces du rez-de-chaussée étant libres, l’artiste et l’équipe de Chantier Public ont choisi d’y installer des photographies du quartier réalisées par Mauju avec un message invitant les habitants à prendre rendez-vous avec le photographe pour réaliser de nouvelles images. À la rencontre des habitants et protagonistes du quartier des Couronneries, chacun de ses projets leur a permis de livrer des anecdotes et souvenirs autour de ce quartier afin de faire émerger les caractéristiques qui le composent. Dans un contexte de rénovation, la mémoire et l’archivage du quartier des Couronneries, à travers la photographie sont d’autant plus importants.

Dernier projet en date, et quatrième volet de cette série d’interactions, autour de ce quartier, I ♥ Couronneries, se présente sous forme de cartes postales composées de deux paysages du quartier avec au dos, la possibilité pour les habitants d’y laisser une trace : un texte, un dessin, un poème, un souhait et ce qui a donné lieu à une exposition à Chantier Public de décembre 2019 à janvier 2020.

(c) Mauju

Il y a de ces lieux qui n’attendent jamais, qui, quoi qu’il en coûte, seront toujours dans l’action et dans le faire collectif. Chantier Public ne cesse de faire vivre l’art sous toutes ses formes pour les artistes, pour la ville de Poitiers et pour chacun d’entre nous.

(c) Agathe Gallo

Article dans la revue papier : AKKI. Deuxième numéro : Périphèries